Entre 1981 et 1986, Peggy McCreary était une des deux ingénieures du son de Prince (avec Susan Rogers) aux studios Sunset Sound de Los Angeles. A ce titre, elle a assisté à la création de tout ou partie des albums «Controversy », « 1999 », « Purple Rain », « Around The World In A Day », « Parade », et bien sûr des albums des ‘protégés’ « What Time Is It ? » et « Ice Cream Castles » pour The Time, les 3 premiers albums de Sheila E., et l’album de Jill Jones pour n’en citer que quelques-uns.  Créditée sur 6 des 15 titres d’Originals (« Jungle Love », « Manic Monday », « Noon Rendezvous », « Holly Rock », « Baby You’re A Trip » et « Gigolos Get Lonely Too »), Peggy Mc Creary a accepté de nous accorder une interview dans le cadre de la promotion de cet album. Moins passionnée que Jill Jones, avec une mémoire moins vive et chirurgicale que celle de Susan Rogers, son regard distancié et la façon d’aborder son travail nous donne une autre vision de ce qu’était que de vivre en studio avec Prince.

Originals

Que pensez-vous de ce projet ?

J’étais avec eux pendant qu’ils construisaient l’album. Et j’ai senti qu’ils voulaient faire quelque chose qui rende justice à son œuvre et à cette période. Je pense qu’ils ont fait du très bon travail. J’étais avec Michael Howe quand il travaillait dessus, il y avait des choses amusantes à écouter et ça m’a rappelé des souvenirs.

Quel est votre titre préféré dans Originals ?

« Manic Monday » a toujours été une de mes chansons préférées et je garde un bon souvenir du jour où on l’a enregistrée. La veille, on avait travaillé jusqu’à 5 ou 6 heures du matin. Il m’a rappelée pour une autre session et il fallait que je sois au studio à 18h, mais finalement on m’a rappelée à 10h pour me dire qu’il fallait que je sois là à midi. Je n’ai pu dormir que 2 heures ce jour-là.  Il est entré avec un grand sourire dans le studio en me disant qu’il avait rêvé d’un couplet. Et je trouvais ça fascinant qu’il puisse rêver de ses chansons et les réaliser. Mais je m’en souviens aussi parce que c’était une chanson joyeuse, bien qu’on ait à peine dormi. J’ai travaillé sur ce morceau avec les Bangles par la suite, et elles ont fait du bon travail aussi.

A l’écoute d’Originals, on a l’impression que lorsque Prince chante des chansons destinées à d’autres, il est plus détendu vocalement. Avez-vous le même sentiment ?

Je suis d’accord. Ce sont des ‘versions guides’ pour donner à l’artiste une « idée » de ce qu’il veut vocalement. Les filles venaient faire les chœurs puis il passait à la phase de production du morceau. Mais oui, ce sont des « guides » la plupart du temps.

Quelle titre avez-vous enregistré que vous auriez aimé voir dans cet album et qui n’y est pas ?

Il y a tellement de chansons. Il va falloir des années pour tout sortir. Il y a « How Come U Don’t Call Me Anymore » qu’on avait faite ensemble et je viens tout juste d’apprendre que ça a été la face B de « 1999 »….

Vraiment ?

Oui. Je ne savais pas qu’elle était déjà sortie à l’époque, mais une version longue va bientôt arriver. J’ai trouvé dommage qu’elle n’ait pas accompagné l’album « Piano & A Microphone » mais Michael Howe m’a dit que c’était pour un projet sur lequel ils (Ndlr : l’Estate) travaillaient actuellement. Je ne sais pas quand ça va sortir, ce que je sais, c’est que ça arrive.

C’est une bonne nouvelle. Depuis plusieurs mois, on entend parler d’une réédition de « 1999 », ça serait logique que ce soit dessus.

Oui, j’en ai entendu parler, mais je n’en sais vraiment pas plus. Je ne sais pas ce qui est prévu pour ce disque (en d’autres termes : Peggy McCreary confirme qu’une version longue et donc inconnue à ce jour de « How Come U Don’t Call Me Anymore » va bientôt sortir, mais elle ne sait pas s’il fait partie du projet « 1999 Deluxe ». La réédition de cet album, dont elle ne sait rien, aurait été selon des sources fiables, finalisé depuis plusieurs mois par la Warner et pourrait sortir cette année. Mais il n’y a toujours pas eu de confirmation officielle à ce jour).

Prince en studio

Y a t-il un titre dont vous vous souvenez particulièrement de l’enregistrement ?

Avec Sheila E. c’était super, je l’adore, j’ai aimé travailler avec elle sur des chansons. Et on s’amusait beaucoup avec The Time. C’était géant. Sur la chanson qu’ils ont gardée (Ndlr : Jungle Love), ils avaient inventé une danse pendant l’enregistrement dans le studio, ils rigolaient….

Prince, Morris, Jesse dansaient dans le studio ?

Oui (rires). C’était très animé et très drôle. C’étaient des mecs très marrants.

Vous avez donc pu voir quels étaient les rapports entre les trois et l’évolution….

Oui. Au début c’étaient juste des mecs de Minneapolis qui s’éclataient à Los Angeles. C’était fun. Jimmy et Terry étaient des mecs bien aussi.

Justement, puisque vous parlez d’eux, vous les avez déjà vus enregistré des chansons avec Prince en studio ? De ce que l’on sait, tous les titres de The Time de cette époque étaient faits par Prince et Morris uniquement, et avec Jesse sur « Ice Cream Castle ». Jam et Lewis étaient en studio aussi ?

Je ne me souviens pas précisément. Je sais que pendant les cinq ans que j’ai faits avec Prince, j’ai vu Jimmy et Terry en studio quelques fois, mais je ne peux pas me souvenir de tous ces moments précisément. J’ai été interviewée pour un livre récemment (Duane Tudahl pour son livre incontournable « Prince and the Purple Rain era studio sessions 1983 – 1984 »), il m’a montré des documents de studio mais je ne me pouvais plus m’en souvenir. Mes journées étaient très très très longues. Et Prince apparaissait, disparaissait et réapparaissait…. Et [Duane Tudahl] me montrait ces documents avec ces dates en me demandant « Vous vous souvenez de ce jour-là ? » (Rires). Les heures et les journées étaient très longues. Une fois, j’ai fait 24 heures d’affilée.

Mais 24 heures sur une chanson ou sur plusieurs ?

Une seule chanson. Pour la finir. Il ne travaillait pas comme les autres artistes avec qui j’ai collaboré. Généralement, quand il arrivait et commençait à enregistrer une chanson, on ne sortait pas tant qu’on ne l’avait pas finie, c’est-à-dire enregistrée et mixée. Il y a eu quelques exceptions, comme « When Doves Cry » qui a été faite sur deux jours. Et il lui arrivait de revenir sur une chanson. Dans ces cas-là, il recommençait tout et ne reprenait pas là où il s’était arrêté. Je ne me souviens plus précisément sur quelle chanson on avait bossé pendant 24 heures, mais je me souviens d’être rentrée chez moi en voiture et m’être dit : « oh mon Dieu, j’ai bossé 24 heures ».  Mais c’était enrichissant. Il ne voulait pas s’arrêter. Une fois, il m’a dit qu’il devait rentrer uniquement parce qu’il avait vraiment besoin de dormir. Ces années étaient très prolifiques pour lui. C’était fou.

Et, qu’est-ce qui fait que certains titres étaient retravaillés ou transformés plusieurs fois sur plusieurs années (We Can Fu-c/n-k, Wouldn’t You Love To Love Me ?….)

Ça dépend. Il pouvait penser que les chansons étaient incomplètes, qu’il manquait quelque chose, ou qu’il y en avait trop et il n’en était pas satisfait. Quand je dis que « When Doves Cry » a été faite sur deux jours. Le deuxième jour, il l’a dépouillée, « dé-produite ». Il y avait beaucoup plus de synthétiseurs et de guitares criardes. Il a retiré tout ça le deuxième jour, jusqu’à enlever la basse et en faire la version qu’il a sortie. Là il en était satisfait. Et beaucoup veulent s’attribuer le mérite de cette idée. Mais j’ai les documents, on n’était que tous les deux ce jour-là, et quand il a appuyé sur le bouton pour la couper,  il m’a dit « personne ne va croire que j’ai osé faire ça », il a souri et il est parti (Ndlr : dans une interview pour Bass Player en 1999, Prince confirme que c’est bien Jill Jones qui lui a conseillé de le faire comme il le sentait et de retirer la basse puisqu’elle le gênait). On m’a montré le document du studio récemment, c’est grâce à ça que je me souviens que ça a été fait sur deux jours. Et après sa mort, la réceptionniste du studio m’a contactée pour me dire : « tu te souviens du jour où tu m’as appelée à 7 heures du matin pour me faire écouter « When Doves Cry » quand vous veniez tout juste de la finaliser? ». Tout le monde s’en souvient encore, parce que c’est une chanson fabuleuse. Je sais que beaucoup de gens inventent des histoires et disent que c’est grâce à eux, mais j’étais là.

Extrait de « Prince and the Purple Rain era studio sessions 1983 – 1984 » de Duane Tudahl

Mais il ne communiquait pas avec moi. Il ne me disait pas ce qu’il allait faire. Il ne me disait pas « aujourd’hui, on va travailler sur tel ou tel titre ». Il entrait au studio, buvait un café et prenait un instrument et jouait. Et au bout de la nuit, je devais remplir les notes de studio, et je lui disais « j’ai besoin du titre ». J’en avais besoin pour le studio et pour la maison de disques. C’était comme des factures (Ndlr :qui permettaient au studio d’être payé et qui en même temps traçaient les enregistrements qui étaient réalisés). Des fois, j’écrivais des titres de morceaux enregistrés un ou deux jours avant, parce que je ne connaissais pas le nom de la chanson sur laquelle on avait travaillé le jour-même. Un soir, je l’ai rattrapé en disant « avant que tu partes, il faut que tu me donnes le nom de la chanson d’aujourd’hui ». Il a souri et m’a demandé quel était mon deuxième prénom. J’ai répondu « Colleen », et il m’a dit de mettre ça sur le document. Donc il existe une chanson qui s’appelle comme ça, juste parce qu’il n’avait pas d’autre titre en tête. Mais sinon, il ne communiquait pas beaucoup avec moi. Après la session, il partait, sans même dire « au revoir », ou « à demain ».

Pouviez-vous faire des suggestions ? Est-ce qu’il écoutait les conseils d’autres personnes ?

Non. Ni moi, ni les autres. Je ne crois pas. C’est lui qui commandait et qui était responsable de sa musique. C’est ce que je voyais. Après, je ne suis pas musicienne, je ne sais pas s’il prenait l’avis des autres musiciens.

Prince avait des relations passionnées avec ses petites amies. Cela se ressentait il en studio quand il travaillait avec elles ?

Non. Je n’étais pas toujours au courant de ce qu’il se passait entre elles et lui. Il avait plusieurs petites amies, certaines pouvaient être dans les groupes, mais je n’entrais pas dans ces considérations. Ces histoires-là ne franchissaient pas la porte du studio, c’était toujours très professionnel quand on enregistrait.

Sur certaines chansons ou pour des projets de cette époque, il pouvait écrire des paroles assez chaudes, mais d’un point de vue féminin. Comment ça se passait quand il enregistrait lui-même ces titres ? Il en riait ?

Vous savez, c’était très bizarre. Il n’arrêtait pas de parler de Dieu et de spiritualité au quotidien et d’un seul coup, l’album sort avec un pénis sur la pochette.  Mais dans la vraie vie, il n’était pas transgressif, il ne franchissait pas ces barrières. Il s’amusait, mais restait respectueux. Il n’était pas comme ce que l’on peut imaginer d’une star du rock’n’roll, il était plutôt sage. Si vous écoutez attentivement les paroles de « Lady Cab Driver », vous aurez une idée de qui il était réellement.  Mais dans le même temps, quand son manager est venu le voir pour lui expliquer qu’il aurait du mal à faire passer « Little Red Corvette » en radio à cause des paroles qui parlent de capotes, et qu’il fallait qu’il change ça pour ne pas choquer les enfants, Prince a répondu qu’il n’en n’avait rien à faire.

Prince and the evolution

Comment avez-vous découvert Prince ? Le connaissiez-vous avant de commencer à travailler avec lui ?

Je ne le connaissais pas avant de travailler avec lui. Le studio Hollywood Sound où il était m’a appelée parce qu’ils n’avaient plus d’ingénieur qui pouvait travailler ce week-end-là. J’étais disponible. Je ne le connaissais pas, et la réceptionniste était inquiète pour moi à l’idée que je travaille un week-end entier pour lui. Je lui ai demandé pourquoi, elle m’a répondu que Prince écrivait des chansons vraiment salaces. J’étais inquiète aussi du coup. Quand j’ai rencontré Prince, il était calme et poli, mais au bout d’un certain temps, j’ai dû lui dire qu’il fallait qu’il me parle pour que je comprenne ce qu’il voulait au lieu de marmonner. On a fait l’album « Controversy ». Quelques mois après, il m’a recontactée pour faire l’album « 1999 ». J’en ai conclu qu’il avait apprécié mon travail. Notre rencontre était donc due au hasard et il a aimé travailler avec moi. Il aimait bosser avec les femmes, cette alchimie qu’il pouvait développer avec nous. Puis j’ai travaillé sur « 1999 » ainsi que sur les albums de The Time et Vanity 6 en même temps. Il est parti (Ndlr : en tournée), et « 1999 » a été un gros succès. Il est revenu, et on a travaillé sur les albums de Sheila E., The Time, Apollonia 6 et bien sûr « Purple Rain ». Et là, c’est devenu autre chose. Les gardes du corps sont apparus avec tous ces gens autour. Mais la plupart du temps, en studio, nous n’étions que tous les deux, et c’était les meilleurs moments.

Quel est le moment de studio vous a le plus marquée ?

Quand il a enregistré « How Come U Don’t Call Me Anymore ». Il était relax. Il m’a demandé si je voulais boire quelque chose, il m’a commandé un cognac Remy Martin. On a bu un peu, et il a fait la chanson. Il savait que j’avais beaucoup de pression et que je ne pouvais pas me détendre, il l’a enregistreé tranquillement. J’ai bien aimé, ça sonnait bien, mais je ne l’ai écoutée que 20 ans plus tard. Et je n’avais pas remarqué à quel point elle était bien, parce que j’étais un peu saoule au studio. Mais 20 ans plus tard, je me suis dit : « putain c’est bien ». Il aimait certains genres de micros. J’ai utilisé l’AK47 (de Telefunken) classique, il jouait sur un piano Steinway. On a mixé la chanson, c’est sorti sur une face B, et je ne l’ai jamais entendue. Et 20 ans plus tard, je suis tombée dessus.

Il y a aussi la fois où il m’a demandé de travailler pendant mon anniversaire. Je l’avais prévenu la veille en espérant avoir un jour de congé, mais il m’a quand même appelée le jour même. Il était arrivé habillé différemment, en jean, alors qu’il n’en portait jamais d’habitude, un t-shirt et une veste de motard et il a enregistré toute la journée un rockabilly, ce qui était en accord avec son style vestimentaire du jour. Je lui ai fait une cassette à la fin, comme on faisait d’habitude, et en partant, il m’a fait un sourire et m’a rendue la cassette en me disant « Happy Birthday ». C’était donc mon cadeau d’anniversaire. J’ai donc une chanson inédite qu’il m’a donnée pour mon anniversaire.

Vous l’avez toujours ?

Bien sûr. Elle s’appelle « You’re All I Want », c’est un petit Rockabilly.

Justement, il y a plusieurs titres officiels ou inédits qui révèlent que Prince semblait beaucoup aimer le Rockabilly. Savez-vous ce qu’il aimait particulièrement dans ce style de musique, assez inhabituel chez les artistes funk de son style et de son époque ?

Il pouvait tout faire et aimait faire des choses différentes. Et il enregistrait tout ce qui passait dans sa tête en direct. Il est souvent arrivé qu’on soit en plein milieu d’une chanson, qu’il ait déjà fait les parties de batterie, basse, piano et qu’il s’arrête pour me demander de mettre de nouvelles bandes, et il démarrait une toute nouvelle chanson parce qu’il a eu une autre pulsion. Et je devais en permanence être toujours prête et la plus réactive possible pour tout changer et régler à tout moment. Il n’y avait pas de « planning », il était imprévisible. D’habitude, les autres groupes enregistrent une démo, puis vivent leurs vies, et reviennent quelques temps après pour retravailler la démo, font les overdubs, et le mix encore un autre jour etc…. Mais Prince ne quittait pas le studio tant que la chanson n’était pas totalement enregistrée et mixée. Et c’était en fonction de son inspiration. Il n’avait pas de producteur pour lui dire quoi faire et quand le faire. Il gérait son temps comme il le voulait.

Et vous étiez surprise qu’un homme aussi jeune ait autant de chansons dans sa tête et soit aussi prolifique ? Quand vous l’avez connu, il avait seulement entre 23 et 28 ans….

Oui, mais ce qui me surprenait le plus c’était ses talents de musiciens. Il pouvait prendre n’importe quel instrument et en jouer parfaitement. Mais quand vous avez autant de responsabilités techniques, la pression du musicien et celle de la maison de disques, c’était dur pour moi de me détendre et de simplement prendre du plaisir. Et ce n’est que lorsque je sortais du studio, et que j’écoutais ses albums tranquillement que je pouvais apprécier réellement sa musique. J’ai mis du temps avant de le voir en concert. Comme cadeau de Noël (en 82), j’ai été invitée au concert de Dallas du 31 décembre. On m’a placée près de la console, ce qui est le meilleur endroit pour moi, et je l’ai vu en concert pour la première fois, et c’est vraiment là que j’ai compris qui il était. C’était un performeur incroyable. Et je crois que c’était important pour lui que je sache qui il était. En studio, il était toujours bien habillé, les lumières étaient tamisées, il avait ses attitudes, mais je n’avais pas capté la totalité de sa personnalité jusqu’à ce que je le vois sur scène. Je voyais le vrai Prince. Et il faisait honneur à son nom.

Vous l’avez vu évoluer pendant sa période clé (1981-1986). Avez-vous remarqué des changements pendant cette ascension et la phase de règne ? Que ce soit dans sa personnalité ou sa façon de composer ?

Il a changé un peu au niveau de son attitude, mais il avait toujours le même fond. Et il savait qui il était, et l’a toujours su. C’est juste que le public a mis du temps à le connaitre et le comprendre, mais il est resté le même. Quand je l’ai connu, il n’avait pas de voiture à son nom, il les empruntait. Et quand j’ai arrêté de travailler pour lui, il en avait plein, des limousines, avec gardes du corps. Ça, ça avait changé, mais il était, et a toujours été, « Prince », si vous voyez ce que je veux dire. Il savait d’où il venait et où il voulait aller. C’est surtout la perception du public qui a changé. Pas lui. Bien sûr, avec l’argent, et tout ce que ça peut t’offrir comme vêtements et autres, l’attitude change. Il a été plus généreux par certains aspects et plus difficile de travailler avec pour d’autres. Mais dans le fond, pour moi, c’était le même Prince.

Est-ce qu’il était à la recherche de hit ou dans une mentalité « c’est à prendre ou à laisser » ?

Je ne pense pas qu’il était à la recherche du hit, c’était plus la seconde option. Mais de toutes les façons, la plupart des choses qu’il sortait devenaient des hits. Il ne cherchait pas à plaire, juste à être lui-même.

Vous l’avez aussi connu à une période où son son a fortement évolué. Il a découvert la Linn Drum pendant l’enregistrement de « Controversy » et on entend des instruments orientaux sur « Around The World In A Day ». Comment appréhendait-il ces nouveautés ?

Il a toujours été très curieux. Il s’intéressait à tout et faisait en sorte d’en tirer quelque chose qui lui plaise. Il y avait toujours une Linn-Drum dans le studio, il créait avec ça. Il gagnait du temps. Il jouait très bien de la batterie, mais ça dépendait aussi de ce qu’il voulait pour la chanson ce jour-là. Mais il maîtrisait la Linn. Pour lui, c’était aussi simple que d’utiliser une machine à café. Et il utilisait chaque nouveauté technologique pour créer.

En tant qu’ingénieure du son, vous étiez le premier témoin de la création de chansons qui nous ont accompagnés durant des décennies. Sur le moment, étiez-vous consciente que vous assistiez peut-être à des moments importants pour lui ou pour la musique, voire historiques, ou pour vous c’était juste des chansons de plus?

C’était juste une chanson de plus, une chanson de plus et une chanson de plus. Mais en les écoutant plus tard, dans d’autres conditions, je me disais « oh mon Dieu, c’est génial », « il chante trop bien sur cette partie », « le solo de guitare est génial », « les paroles sont touchantes ». Mais on a enregistré tellement de choses pendant ces années, et d’ailleurs ça a été compliqué de tout rapatrier à Minneapolis.

The Future

Etes-vous consultée par l’Estate pour l’archivage et vos connaissances sur les sessions et les participants? Pour les futures sorties ?

Ils m’ont contactée parce que mon nom figure sur plusieurs documents de studio. Ils veulent des précisions. Je ne suis pas impliquée dans les futurs projets. Je suis en contact avec Michael Howe (lire notre interview).

Quelle chanson encore totalement inédite voudriez-vous voir sortir ?

Je vous ai déjà parlé de « How Come U Don’t Call Me Anymore », mais il y a aussi la première version de « When Doves Cry » avant qu’il n’en fasse une version dépouillée pour que les gens entendent la version originale. Je ne sais pas si elle va sortir. Elle dure longtemps, entre 7 et 9 minutes, mais elle est intéressante.

Et vous ne voulez pas que les chansons auxquelles vous êtes liées, « Colleen » et surtout « You’re All I Want » sortent ?

(Silence). Bien sûr. (Rires) mais vous ne voulez quand même pas qu’on m’enlève mes chansons ? C’est mon cadeau d’anniversaire (rires).

 

Interview réalisée par téléphone le 10 juin 2019 par Raphy & Chak

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